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LA MARQUISE DE GANGE

la douceur de mourir innocente. Vos paroles font frémir, monsieur. — Votre résistance, madame, est plus inconcevable que mes paroles ; mais, croyez-moi, décidez-vous très promptement.

Ici la marquise n’avait pas à balancer ; elle gagnait du temps, et pouvait échapper en signant ; elle était perdue en ne signant pas. À peine a-t-elle écrit que deux personnages, qui se disent officiers de justice, fondent sur Deschamps, le lient, et l’entraînent avec la marquise hors de son effrayant asile. Ils serrent avec soin l’écrit qu’ils emportent ; une voiture les attend, et, dans moins de deux heures, les voilà tous quatre à Montpellier. Il se passa pour lors quelque chose de fort singulier, et que ne put comprendre la marquise. Il était nuit quand on arriva à Montpellier, et ce fut à un cabaret borgne, situé dans un faubourg de la ville, que la voiture s’arrêta. On laisse madame de Gange seule avec l’hôtesse, et Deschamps, avec les officiers de justice, disparaissent, excepté néanmoins l’un des conducteurs de Deschamps, qui, rentrant dans la salle basse où l’on avait laissé Euphrasie, lui intime l’ordre de le suivre chez l’évêque, où il doit, dit-il, la déposer. La marquise sort, tranquillisée par cette injonction, suit son guide, avec grand plaisir… On arrive au palais. — Monseigneur, dit l’exempt en présentant la marquise, voilà madame de Gange ; c’est au milieu d’une bande de scélérats que nous l’avons arrêtée ;