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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/135

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LA MARQUISE DE GANGE

épaisse enveloppait l’atmosphère et voilait les derniers rayons de l’astre qui se précipitait dans les mers ; le calme et la douceur du temps laissaient parvenir avec plus de facilité le bruit imposant de ces cloches par lesquelles l’homme, en ébranlant les airs, semble associer l’Etemel aux larmes que répand sa douleur. Ces sons plaintifs, se mêlant aux cris lugubres des oiseaux de la nuit, achevaient de prêter à ce sombre local tout le pathétique et toute la solennité dont il était susceptible : il semblait que l’on entendît les gémissements de ceux qu’on venait honorer ; on eût dit que leurs mânes voltigeaient autour des tombeaux qu’ils entrouvraient pour vous recevoir.

Euphrasie, interdite, reste quelques minutes immobile, et ne sort de cette espèce d’apathie, fruit précieux de la plus exquise sensibilité, qu’au bruit du sifflement aigu de l’oiseau de la mort, qui s’élance rapidement au-dessus de sa tête. Vivement émue de tout ce qui la frappe, elle se précipite à genoux, les deux mains jointes sur le mausolée.

— Ô mon Dieu ! s’écrie-t-elle avec cette componction d’une âme vive et ardente, si tu me prépares de nouveaux malheurs, accorde-moi de les prévenir, en me faisant descendre dès aujourd’hui dans ce dernier asile où doit venir me rejoindre l’époux chéri que tu m’as donné : j’y