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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/140

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LA MARQUISE DE GANGE

le terrible soin. L’abbé s’appuie contre un Vieux chêne, le marquis avance seul. Il touche à peine la haie de cyprès et de saules, dont les branches se courbent sur le mausolée, qu’il aperçoit, à travers leurs feuillages, Villefranche serrant, dans ses bras Euphrasie, dont il intercepte l’organe par le baiser le plus criminel. Sans se donner le temps d’observer la vigoureuse résistance d’Euphrasie, de voir que c’est à la bouche de cet impudent qu’elle doit l’impossibilité d’exhaler de la sienne les cris de l’indignation et du désespoir, il s’élance sur son audacieux rival et, lui présentant un pistolet, pendant qu’il le couche en joue de l’autre : — Défends-toi, scélérat, lui dit-il, ou je te brûle la cervelle. Villefranche, interdit, saisit l’arme, tire sur le marquis, et le manque. Alphonse ajuste, et c’est dans les eaux du Styx que le coupable va laver son crime : il expire… Euphrasie tombe sur son cadavre… Elle est évanouie. — À moi, mon frère, s’écrie le malheureux Alphonse, viens jouir du forfait que tu m’as conseillé ; viens te repaître de l’horreur de mon sort. Je n’ai plus même le pouvoir de douter maintenant : la voilà complice du libertinage d’un traître… Regarde-la couverte du sang qui déshonorait le mien ; vois la honte pénétrer sur son front adultère, les voiles de la mort qui le couvrent déjà. Oh ! comme elle m’a trompé toute sa vie ! Laissons-les, ils veulent