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LA MARQUISE DE GANGE

innocente, et plus cet esclandre eût été violent de votre part, plus vous nous contraigniez à paralyser ses effets par l’authentique publicité de la culpabilité de votre fille. Il résulte de là mille inconvénients funestes pour votre gendre. Il a donc préféré de vous soustraire, et sentant bien qu’il ne le pouvait pas sans vous imposer des chaînes, il vous a préparé celles que vous voyez, adoucies néanmoins, comme vous pouvez en juger, par tout ce qu’il a cru décent et convenable. Voilà votre appartement, madame, vous y serez servie de la manière dont vous l’ordonnerez vous-même, mais constamment renfermée avec votre petit-fils, et totalement privée de voir votre fille, dont le sort est égal au vôtre. Du moment où vous êtes partie, le marquis, pour donner le change, a fait courir le bruit dans Avignon d’un voyage de vous à Paris, à dessein d’obtenir du cardinal de Mazarin la grâce du duel dont mon malheureux frère s’est rendu coupable, en raison des torts de votre fille. Le parti qu’il prend lui coûte sans doute, mais vous en concevez la nécessité. — Oui, monsieur, répondit madame de Châteaublanc, je puis la sentir ; mais l’importance d’une chose s’accorde quelquefois avec les procédés, avec la décence, et vous conviendrez qu’on néglige singulièrement aujourd’hui ces devoirs envers moi. Mon gendre, pour agir comme il le fait, a sans doute d’autres motifs que ceux