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LA MARQUISE DE GANGE

pays soumis à sa direction des locaux propres à donner asile au pécheur, afin de lui donner le temps de se faire absoudre avant que de se montrer devant ses juges ou de paraître dans le monde.

Au reste, les amusements de tout genre, les promenades, les bals, les concerts d’église, les goûters de parloir, et surtout la médisance étaient les occupations chéries des Avignonnais. Leur profonde oisiveté les portait à ce genre de dissipation, et certes il convenait parfaitement à leur caractère.

De tous les temps, et dans tous les pays, il y eut des choses de mode. Celle des dames de ce pays n’était pas d’aimer leurs maris, mais en revanche d’avoir, comme en Italie, des amants de trois ou quatre espèces, parmi lesquels le sigisbée, portant l’éventail et les gants en trottant près de la chaise à porteurs, était du plus grand usage.

En arrivant à Avignon, on n’était pas longtemps à savoir les intrigues du pays : la maîtresse d’auberge, en vous servant, vous mettait à l’instant au fait de tout ce que vous pouviez facilement vérifier vous-même pendant le séjour que vous pouviez y faire ; on vous en disait même souvent beaucoup plus qu’il n’y en avait ; car, chez tous les peuples fainéants, la calomnie est toujours bien près de la médisance. Pour avoir enfin tous les défauts des peuples désœuvrés, les Avignonnais étaient grands politiques.