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LA MARQUISE DE GANGE

nous verrez l’hiver prochain tous réunis dans le même hôtel. — Soit ; mais en attendant on cause, on invente, on veut trouver des motifs où il n’y en a point, et vous savez ce que c’est que le monde, et surtout celui de cette ville. Faut-il d’ailleurs vous l’avouer ? On croit s’apercevoir qu’il règne décidément un peu de froid entre vous. Parlez-moi vrai, ma chère Euphrasie, ouvrez-moi votre cœur avec assurance : quelle peut être la cause de cette altération dont tout le monde s’aperçoit ? La dissiper tient à votre félicité autant qu’à votre honneur. Je vous conjure, au nom de l’amitié que je n’ai jamais cessé d’avoir pour vous, de me parler sur cela avec toute la franchise que vous me voyez mettre à vous le demander.

Alors, la marquise dont on touchait le cœur dans sa partie la plus sensible, se jette dans les bras de madame de Donis, et lui avoue que rien n’est vrai comme ce refroidissement d’Alphonse ; mais elle proteste en même temps qu’elle en ignore la cause, et qu’elle donnerait sa vie pour la connaître et pour la faire cesser. — Voulez-vous que je vous parle vrai ? dit madame de Donis ; je crois votre mari très jaloux ; l’histoire de Villefranche, que beaucoup de gens savent ici, prouve une grande jalousie chez Alphonse : dans ce cas-là, les maris deviennent inévitablement plus froids ou plus emportés. Il paraît que le vôtre a