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LA MARQUISE DE GANGE

L’un de ces jeunes gens se nommait le duc de Caderousse, l’autre le marquis de Valbelle ; plus riches que le chevalier de Gange, étant tous deux aînés de leur maison, ils n’en étaient pas moins liés avec lui, et ce fut à eux que, par les conseils de Théodore, le chevalier confia ses desseins, après quelques premières ouvertures.

— Vous avez vu ma sœur hier à l’assemblée, leur dit de Gange, en dînant avec eux chez le plus fameux traiteur de la ville. — Assurément, dit Valbelle, il n’est pas une femme dans Avignon qui la vaille. Si ce que tu exiges de nous dans ce moment-ci s’accorde avec ce qu’elle nous inspire, je te réponds que tu seras bien servi. — Vous n’y êtes pas, mes amis, ce n’est pas du tout vous que je veux servir ; c’est au contraire de vous que j’attends de grands services, et voici ce qui va vous paraître fort extraordinaire : je suis amoureux de cette femme comme un fou, et cependant je veux lui faire dans le monde tout le tort que je pourrai. — Parbleu ! dit Caderousse, il me semble qu’aussitôt qu’elle sera ta maîtresse, sa réputation sera bien effleurée. Tu possèdes assurément, mon ami, bien amplement tout ce qu’il faut pour déshonorer une femme. — Ce n’est pas encore cela : je vois, ou que je m’explique mal, ou que vous avez beaucoup de peine à me comprendre. En faisant ce que vous me dites, voilà cette femme sur mon compte ; or, il faut