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LA MARQUISE DE GANGE

ferait redouter l’approche ? Quoi ! celle qui agit à tout moment en nous, celle qui nous indique si bien tout ce qui peut nous conserver ou nous nuire, ne pourrait pas également nous prévenir de ce qui tend à notre destruction, ou de ce qui y touche ? Je sais très bien qu’on traitera ces raisonnements de paradoxes absurdes ; mais je sais très bien aussi qu’on ne parviendra pas à le prouver. Or, quand à l’exposé d’un système quelconque on met la plaisanterie à la place de la réfutation, on peut, je crois, en n’écoutant que la raison, persifler à son tour le mauvais plaisant. Que d’incrédules eut fait Voltaire, s’il eût raisonné au lieu de rire ! et si ses attaques sont devenues pour nous des triomphes, c’est que la vérité qui convainc l’homme sage ne fait jamais rire que les sots. Quoi qu’il en soit, l’opinion que nous présentons a quelque chose de religieux, elle doit plaire aux âmes sensibles ; et nous nous y tiendrons aussi longtemps qu’on ne nous la démontrera pas sophistiqué.

Et notre intéressante héroïne n’y croyait que trop, aux pressentiments, quand elle arrosa de larmes le lit où elle passa cette première nuit ; elle y croyait, lorsque, réveillée en sursaut au milieu de cette nuit cruelle, on l’entendit prononcer avec des cris : Ô mon époux ! sauvez-moi de ces scélérats !

Ces terribles paroles émanèrent-elles d’un