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LA MARQUISE DE GANGE

Le 21 août 1667, intervint l’arrêt du parlement, qui condamne l’abbé et le chevalier à être rompus vifs, le marquis dégradé de sa noblesse, ses biens confisqués au Roi, et à un bannissement perpétuel ; le vicaire Perrette, dégradé de l’ordre de prêtrise, et aux galères perpétuelles.

Le vicaire mourut en chemin, attaché à la chaîne. Le marquis ayant joint le chevalier à Venise, la république accepta la proposition qu’ils lui firent d’aller au siège de Candie assiégée depuis deux ans par les Turcs. Ils périrent tous deux, le marquis enterré sous une mine, le chevalier tué d’un éclat de bombe.

L’abbé passa en Hollande, changea de nom et de religion. Il se nomma M. de la Marteliere, devint précepteur du fils de M. le comte de la Lippe. Il acquit la confiance de toute la maison, et fut en grand crédit auprès du comte et de la comtesse. Il y devint amoureux d’une jeune demoiselle alliée à la comtesse, et elle le paya de retour. Il étoit question de l’épouser : mais, comme il avoit caché soigneusement sa naissance, la comtesse s’imaginant qu’il étoit de basse extraction, s’opposoit beaucoup à ce mariage. L’amour le fit résoudre à se découvrir. Il confia donc à la comtesse qu’il étoit l’abbé de Ganges. L’horreur saisit le mari et la femme, de façon qu’il s’en fallut très peu qu’ils ne le fissent arrêter. Il se sauva à Amsterdam, où il se fit maître de langue. Son amante l’y alla trouver : il l’épousa en secret. Enfin sa bonne conduite le fit admettre dans le Consistoire des protestans : il mourut quelque temps après en bonne odeur.