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LA MARQUISE DE GANGE

mais à renoncer décidément à celle que son frère paraissait exiger d’elle avec le comte de Villefranche. Elle en prévint Théodore, qui, sachant son entrevue du matin avec Eusèbe, se douta bien à qui il devait le changement d’Euphrasie ; mais il n’osa point la contrarier. — Eh bien ! dit-il à sa sœur, puisse la suite vous prouver si j’ai tort ou raison ! mais, quoi qu’il en puisse être, ne voyez, dans l’un ou l’autre cas, madame, dit-il affectueusement à sa sœur, que le désir ardent de vous servir.

Mais, comme un être aussi vertueux qu’Eusèbe pouvait infiniment nuire aux trames qu’ourdissait chaque jour Théodore contre la plus estimable des femmes, ce monstre, par son crédit, parvint à noircir ce saint homme dans l’esprit de ses supérieurs, qui le rappelèrent d’abord à Montpellier, et le firent peu de temps après passer dans une solitude malsaine, sur les frontières de l’Italie, où il rendit promptement à Dieu l’âme candide et pure qui n’avait servi qu’à son malheur.

De ce moment, l’abbé sentit qu’il fallait en venir à de grands moyens pour persuader sa belle-sœur ; et il résolut de mettre promptement en jeu ceux qu’il avait arrangés avec Laurent, et dont nous verrons peut-être bientôt l’exécution. Il fit en même temps quelques changements dans le rôle prescrit à Villefranche, pressa plus vivement encore le marquis de mettre en action