Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/126

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et à nuire à celui qui veut le troubler. Telle est la raison qui rend presqu’impossible la durée des associations criminelles ; n’opposant que des pointes acérées aux intérêts des autres, tous doivent se réunir promptement pour en émousser l’aiguillon… même entre nous, madame, ajouta Justine, comment vous flatteriez-vous de maintenir la concorde, lorsque vous conseillerez à chacun de n’écouter que ses seuls intérêts ? aurez-vous, de ce moment-là, quelque chose de juste à objecter à celui de nous qui voudra poignarder les autres ?… qui le fera, pour réunir à lui seul toutes les parts. Et quel plus bel éloge de la vertu, que la preuve de sa nécessité, même dans une société criminelle ?… que la certitude que cette société ne se soutiendrait pas un instant sans la vertu.

Quels épouvantables sophismes, dit Cœur-de-Fer ! ce n’est pas la vertu qui soutient les associations criminelles ; c’est l’intérêt, c’est l’égoïsme. Il porte donc à faux, Justine, cet éloge de la vertu, que vous avez tiré d’une chimérique hypothèse. Ce n’est nullement par vertu que, me croyant, je le suppose, le plus fort de la troupe, je ne poignarde pas mes camarades pour les dépouiller ; c’est parce