Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais la tremblante Justine ne leur donne pas le tems de l’enlever de sa retraite ; elle s’en arrache aussi-tôt elle-même, et tombant aux pieds de ceux qui l’ont découverte : ô messieurs ! s’écrie-t-elle, en étendant les bras vers eux, daignez avoir pitié d’une malheureuse, dont le sort est plus à plaindre que vous ne pensez ; il est bien peu de revers qui puissent égaler les miens. Que la situation où vous m’avez trouvée ne vous fasse naître aucun soupçon sur moi, elle est la suite de ma misère, bien plutôt que de mes torts ; loin d’augmenter les maux qui m’accablent, veuillez les diminuer, en me facilitant les moyens d’échapper aux fléaux qui me poursuivent.

Monsieur de Bressac, c’était le nom du jeune homme entre les mains de qui tombait Justine, avec un grand fond de méchanceté et de libertinage, n’était pas pourvu d’une dose très-abondante de commisération. Il n’est malheureusement que trop commun de voir la luxure éteindre la pitié dans le cœur de l’homme ; son effet ordinaire est d’endurcir, soit que la plus grande partie de ses écarts nécessite l’apathie de l’ame, soit que la secousse violente que cette passion imprime à la masse des nerfs, diminue la force de leur