Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/169

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Si j’imaginais que tu eusses pu voir autre chose, tu ne sortirais jamais de ce buisson… Jasmin, il est de bonne heure, nous avons le tems d’ouïr les aventures de cette fille, écoutons-les, et nous verrons après ce qu’il en faudra faire.

Les jeunes gens s’asseyent, Justine se met auprès d’eux, et leur raconte, avec son ingénuité ordinaire, tous les malheurs qui l’accablent depuis qu’elle est au monde.

Allons, Jasmin, dit Bressac en se relevant, soyons justes une fois. L’équitable Thémis a condamné cette créature ; ne souffrons pas que les vues de la déesse soient aussi cruellement frustrées ; faisons subir à la délinquante l’arrêt de mort qu’elle aurait encouru. Ce petit meurtre, bien loin d’être un crime, ne deviendra qu’une réparation dans l’ordre moral ; puisque nous avons le malheur de le déranger quelquefois, rétablissons-le courageusement quand l’occasion s’en présente… Et les cruels ayant enlevé cette malheureuse de sa place, la traînent déjà vers le milieu du bois, riant de ses pleurs et de ses cris ; déshabillons-là primitivement, dit Bressac, en faisant disparaître tous les voiles de la décence et de la pudeur, et sans que les