Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/217

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crime, également arbitraire, ne m’en impose pas davantage. Il n’est, à mes yeux, de crime à rien, parce qu’il n’est aucune des actions que vous nommez criminelles, qui n’ait été jadis couronnée quelque part. Dès qu’aucune action ne peut être universellement regardée comme crime, l’existence du crime, purement géographique, devient absolument nulle, et l’homme qui s’abstient d’en commettre, quand il en a reçu le penchant de la nature, n’est qu’un sot qui s’aveugle à plaisir sur les premières impressions de cette nature, dont il méconnaît les principes. O Justine ! mon unique morale consiste à faire absolument tout ce qui me plaît, à ne jamais rien refuser à mes desirs : mes vertus sont vos vices, mes crimes vos bonnes actions ; ce qui vous semble honnête, est vraiment détestable à mes yeux ; vos bonnes œuvres me répugnent, vos qualités m’effrayent, vos vertus me font horreur ; et si je n’en suis pas encore, comme Cœur-de-Fer, au point d’aller assassiner sur les grands chemins, ce n’est pas que je n’en ai souvent conçu le desir ; ce n’est pas que, par unique volupté, je ne l’aie peut-être exécuté quelquefois ; mais c’est que je suis riche, Justine,