Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/229

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à la mort… et c’est toi qui doit me servir… Moi ! s’écria Justine, en reculant d’horreur… N’espérez pas… Oh ! monsieur, avez-vous pu concevoir un semblable projet ? Non, non, disposez de ma vie s’il vous la faut ; mais n’imaginez jamais obtenir la complicité du crime affreux que vous avez conçu. Écoute, Justine, poursuivit Bressac, en la ramenant avec douceur : je me suis bien douté de tes répugnances ; mais comme tu as de l’esprit, je me suis flatté de les vaincre… De te prouver que ce crime qui te paraît si énorme n’est au fond qu’une chose toute simple.

Deux forfaits s’offrent ici, Justine, à tes yeux peu philosophiques, la destruction d’une créature qui nous ressemble, et le mal dont cette destruction s’augmente, selon toi, quand cette créature nous tient d’aussi près. À l’égard du crime de la destruction de son semblable, sois-en certaine, chère fille, ce crime est purement chimérique, le pouvoir de détruire n’est pas accordé à l’homme, il a tout au plus celui de varier des formes ; mais il n’a pas celui de les anéantir. Or, toute forme est égale aux yeux de la nature, rien ne se pert dans le creuset immense ou ses variations s’exécutent, toutes les portions de