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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/23

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de la maison paternelle, était aujourd’hui richement entretenue, et bien plus heureuse, sans doute, que si elle fut restée dans le sein de sa famille ; il faut bien se garder de croire, ajouta-t-elle, que ce soit le mariage qui rende une jeune fille heureuse ; captivée sous la loi de l’hymen, elle a, avec beaucoup d’humeur à souffrir, une très-légère dose de plaisir à attendre, au lieu que, livrée au libertinage, elle peut toujours se garantir des mauvais procédés de l’amant, ou s’en consoler par le nombre. Justine frémit de ces discours ; elle dit qu’elle préférerait la mort à l’ignominie, et quelques nouvelles instances que put lui faire sa sœur, elle refusa constamment de loger avec elle, dès qu’elle la vit déterminée a une conduite qui lui faisait horreur.

Les deux jeunes filles se séparèrent donc, sans aucune promesse de se revoir, dès que leurs intentions étaient si différentes ; Juliette qui allait devenir une grande dame, consentirait-elle à recevoir une petite fille dont les inclinations vertueuses, mais basses, seraient capables de la déshonorer, et de son côté Justine voudrait-elle risquer ses mœurs dans la société d’une créature perverse qui allait devenir victime de la crapule et de la débauche publique ?