Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/272

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on, bien de la peine à cacher sa joie ; et les parens convoqués pour l’examen du cadavre, en déplorant le sort de la victime, avaient juré de la venger. Les morçures un moment avaient embarrassé l’artiste examinateur ; mais Bressac, en prouvant qu’un chien était resté par mégarde enfermé vingt-quatre heures auprès du cadavre, avant qu’on eût eu le tems d’appeler des prêtres de Paris, avait par cet adroit mensonge dissipé la surprise du chirurgien.

Eh bien ! dit Justine, voilà donc encore une croix que la main du ciel me présente ! Par une inconcevable fatalité du destin, je serai suspectée, accusée, peut-être même punie d’un crime… dont j’ai détesté jusqu’à l’idée ; et celui qui me l’a fait commettre, celui qui a guidé mon bras, celui qui seul est coupable du plus infâme matricide dont la terre ait été souillée ; celui-là, dis-je, est heureux, il est riche, il est comblé des bienfaits de la fortune, et je n’ai pas, moi, dans le monde, un seul coin où je puisse me reposer en paix. Être-Suprême ! poursuivit-elle en larmes, je me soumets à tes desseins sur moi, que ta volonté s’accomplisse, je ne suis née que pour la remplir… Et pendant que