Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/307

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plongeons-nous aveuglément dans tous les écarts de ses vices ; que rien ne soit sacré pour nous que ce qui la caractérise ou la sert ; ne sentons, n’existons, ne respirons que pour elle ; il n’y a que les sots qui la trouvent dangereuse. Eh ! comment pourrait jamais l’être un rafinement de jouissance ? Le libertinage est-il autre chose ? Non, sans doute : eh bien, comment ce qu’il y a de meilleur peut-il avoir des inconvéniens ? Je dis plus, ces inconvéniens même, existassent-ils, ne seraient-ils pas préférables encore à tous les dangers de la tempérance… à tout l’ennui de la sagesse ? L’état d’inertie de l’homme sobre n’est-il pas l’image du sommeil de la mort ? l’homme froid et indifférent est le repos de la nature : à quoi sert-il dans l’univers ? que met-il en mouvement ? qu’exécute-t-il ? à quoi son pédantisme est-il bon ? S’il est nul, n’est-il pas condamnable, et n’est-il pas dès-lors à charge à la société ? Si la tempérance et la sobriété dominaient malheureusement dans le monde, tout y languirait, tout y végéterait ; il n’y aurait dus ni mouvement ni force, et tout retomberait dans le cahos. Voilà ce que nos moralistes ne veulent point comprendre, parce qu’étayant sans cesse leurs principes sur les