Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/90

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vertu, qui comme tu vois, ne-t’ont jamais réussi ; une délicatesse déplacée, puisqu’il ne s’agissait que d’être foutue, et que tu ne dois pas douter, d’après les récits que tu m’as fait, que la Delmonse et Dubourg ne soient les agens de ta perte ; une délicatesse ridicule, dis-je, te conduit aux pieds de l’échafaud, un crime affreux m’en sauve ; regarde à quoi les bonnes actions servent dans le monde, et si c’est bien la peine de s’immoler pour elles : tu es jeune et jolie, Justine ; en deux ans je me charge de ta fortune ; mais n’imagines pas que je te conduise au sanctuaire de son temple par les sentiers de la sagesse ; il faut, quand on veut faire ce chemin, entreprendre plus d’un métier, et servir plus d’une intrigue. Le vol, le meurtre, le pillage, l’incendie, le putanisme, la prostitution, la débauche, voilà les vertus de notre état ; nous n’en admîmes jamais d’autres : consulte-toi, chère fille, et donne-nous promptement ta réponse ; car il est peu de sûreté pour nous dans cette chaumière ; il faut que nous en partions avant le jour.

Oh ! madame, répondit Justine, je vous ai de grandes obligations ; je suis loin de vouloir m’y soustraire, vous m’avez sauvé la vie ; il est affreux pour moi que ce soit par un