Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 10, 1797.djvu/109

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qui n’avait pas encore dix-huit ans, n’eut pas plutôt réunis tous les secours de l’art aux dons de la nature, qu’elle parut belle comme un ange.

Il faut être à cinq heures ce soir chez Cordelli, me dit la Durand à son retour, la scène se passera dans une de ses campagnes, à trois lieues d’Ancône, sur le bord de la mer, et je te réponds qu’elle sera bonne : dînons. Elise et Raimonde se mirent à table avec nous, comme à l’ordinaire ; nous leur annonçâmes là qu’elles allaient se séparer. Elise, dîmes-nous, trouve à Ancône un riche négociant qui fait sa fortune ; elle y reste. Les deux amies fondirent en larmes ; puis Elise se jetant dans mes bras : Oh ! ma chère dame, s’écria-t-elle en me couvrant de ses pleurs et de ses baisers, vous m’aviez promis que je ne vous abandonnerais jamais !… Et c’est ici, mes amis, où j’éprouvai bien de quelle energie est dans l’ame d’une libertine, le choc de la sensibilité sur la luxure ; je me roidis contre ses larmes, je trouvais du plaisir à les braver… à ne les faire servir que d’aiguillon à ma lubricité. Mais, ma chère, répondis-je à cette belle fille, en la repoussant sur son siége,