Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 10, 1797.djvu/220

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goûts maintenant, et tu ne me laisseras rien à desirer.

Vêtue en bacchante, la Durand, dès que tout fut prêt, vint avertir que le souper était servi. Nous nous transportâmes dans une fort grande salle, au milieu de laquelle était une table de quatre couverts, qui devaient être remplis par Cornaro, la Durand, une femme de cinquante ans, nommée Laurentia, connue pour la créature la plus débordée, la plus corrompue, la plus lascive et la plus spirituelle qu’il y eût dans toute l’Italie ; j’étais le quatrième convive. Laurentia, décidée comme nous à manger de la chair humaine, la vit servir sans effroi et dévora sans répugnance. Rien n’était délicat comme le souper qui accompagnait ces mets sanguinaires : huit services de tout ce qu’il est possible d’imaginer de plus rare et de plus exquis le précédèrent et le suivirent ; mais ainsi que cela était convenu, on ne but absolument que de l’eau-de-vie de la plus grande vieillesse. Huit filles de quatorze ans, de la plus délicieuse figure, ayant dans leurs bouches, l’eau-de-vie que l’on devait boire, venaient au moindre signe la lancer de leurs lèvres de rose dans le gosier enflâ-