Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 10, 1797.djvu/226

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horreur pour toute espèce de morale, et tout libertin qui n’en sera pas à ce degré de philosophie, flottant sans cesse entre l’impétuosité de ses desirs et ses remords, ne pourra jamais être parfaitement heureux. Je crois, dit Laurentia, qu’il n’y a rien à reprocher à monsieur sur les faits que l’on vient d’alléguer, et je lui crois assez d’esprit pour être au-dessus de tous les préjugés.

Il est bien certain, dit Cornaro, que je n’admets absolument rien de respectable parmi les hommes, et cela par la grande raison que tout ce que les hommes ont fait, n’est absolument chez eux que l’ouvrage de l’intérêt et des préjugés. Y a-t-il un seul homme au monde qui puisse légitimement assurer qu’il en sait plus que moi ? quand une fois on ne croit plus à la religion et par conséquent aux imbécilles confidences d’un Dieu avec les hommes, tout ce qui vient de ces mêmes hommes doit être soumis à l’examen, et livré sur-le-champ au plus vil mépris, si la nature m’inspire de fouler aux pieds ces mensonges : dès qu’il sera donc prouvé qu’en religion, qu’en morale et qu’en politique, nul homme ne peut en avoir appris plus que moi, je puis, de ce moment,