Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 10, 1797.djvu/269

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tigue, nous étions à nous restaurer par un souper délicieux, lorsqu’une fille de dix-huit ans, belle comme le jour, demanda instamment à parler à Zeno. — Comment ! ici, dans l’asile de mes plaisirs ? à l’heure qu’il est ?… Excellence, dit l’introductrice, elle a tout forcé, elle est au désespoir, elle accourt exprès de Venise, elle dit que la chose est pressée, et qu’il n’y a pas un moment à perdre. Faites entrer, dit Zeno : ô Juliette, poursuivit-il, en me parlant bas, ou je me trompe, ou voici quelqu’occasion de mettre en action mes principes. Les portes s’ouvrent, et la plus belle créature que j’aie vu de ma vie, tombe, en larmes, aux pieds du magistrat. O monseigneur, s’écrie la belle affligée, il s’agit de la vie de mon père ; arrêté hier, pour une prétendue conspiration, dans laquelle il n’entra de ses jours, il va demain porter sa tête sur un échafaud ; vous seul pouvez le sauver ; je vous conjure de m’accorder sa grace ; s’il faut que le sang de l’un des deux coule ; ô monseigneur, prenez le mien, et sauvez celui de mon père. Aimable enfant, dit Zeno en relevant cette fille, et en la faisant placer près de lui ; n’êtes-vous pas la belle Virginie, fille du