Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 10, 1797.djvu/40

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devait se faire au Vésuve le lendemain. Nous fûmes le soir à l’opéra ; le roi vint nous visiter dans notre loge, ce qui fit jeter tous les yeux sur nous. De retour au logis, nous proposâmes à Borghèse de passer une partie de la nuit à manger des rôties au vin de Chypre, et à nous branler ; elle y consentit ; et nous portâmes, Clairwil et moi, la fausseté au point de faire décharger sept ou huit fois cette femme condamnée par notre scélératesse, et de décharger nous-mêmes presqu’autant de fois dans ses bras. Nous la laissâmes se coucher ensuite, pour aller passer, mon amie et moi, le reste de la nuit ensemble ; et nous perdîmes encore chacune trois ou quatre fois du foutre, sur l’idée délicieuse de trahir, le lendemain, tous les sentimens de la confiance et de l’amitié. Il faut des têtes comme les nôtres, pour concevoir de tels écarts, je le sais ; mais malheur à qui ne les connait pas, il est privé de grands plaisirs ; j’ose assurer qu’il n’entend rien à la volupté.

Nous nous levâmes de bon matin : on ne dort pas quand on projette un crime ; sa seule idée embrâse tous les sens : on le manie sous toutes ses formes, on le savoure dans