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pris assez sur moi, cependant, pour avoir l’air de tout croire… Oh Dieu ! dis-je, cette femme est un monstre ; voilà donc la raison qui me l’a fait trouver si fausse dans le peu de tems que j’ai causé avec elle. — Sans doute ; elle avait complotté contre tes jours, ta mort la divertissait. Ah ! dis-je, en fixant Clairwil, c’était peut-être pendant notre voyage sur mer, que la coquine exécutait son funeste coup… Non, dit Clairwil, sans nul embarras… à souper, ce soir, et telle est la raison qui m’a fait t’entraîner si vite… Mais ce voyage, dis-je, il m’inquiète à présent ; réponds-tu bien ?… — Oh ! sur ma tête : j’ai totalement changé ses idées, je te réponds qu’elle n’y pense plus ; soupons.

On nous sert ; j’étais décidée : dans l’impossibilité absolue d’être la dupe de ce que me disait Clairwil, trop pénétrée de la franchise des aveux de la Durand, je glisse au premier plat dont je sers à Clairwil, le venin caché dans mes doigts ; elle avale, chancelle et tombe en poussant un cri furieux. Me voilà vengée, dis-je à mes femmes très-étonnées de cette sincope… et je leur dévoile aussi-tôt l’aventure. Oh ! foutre, m’écriai-je, savourons les doux charmes de la vengeance, et faisons des hor-