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qu’elle entendit tout-à-coup une masse assez volumineuse tomber dans l’eau à dix pas d’elle. Elle tourne les yeux, et s’apperçoit que cette masse est élancée du milieu d’un buisson épais, au pied duquel flottent les eaux de l’étang, et que, par leur position respective, ni elle, ni l’agent de l’action qui venait d’être commise, ne pouvaient s’entrevoir. Son second mouvement se porte avec rapidité sur la masse tombée ; elle croit entendre des cris ; elle s’apperçoit que cette masse ne s’enfonce pas tout d’un coup, mais qu’elle est pourtant prête à disparaître. Ne doutant pas qu’une créature humaine ne fût renfermée dans l’espèce de panier qu’elle distingue, elle n’écoute que le premier mouvement de la nature. Sans prendre garde aux dangers qu’elle court, elle se précipite dans l’étang, est assez heureuse pour ne pas perdre terre, et pour saisir la manne flottante que le vent dirige de son côté. Elle revient sur ses pas, attirant après elle ce précieux fardeau ; elle se hâte de le développer ; grand Dieu ! c’est une enfant… une charmante petite fille de dix-huit mois, nue, garrottée, que son bourreau, sans doute, croyait ensevelir avec son crime dans les eaux de cet