Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/127

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ils se taisent, parce qu’ils ne savent que dire. Et la raison de cela est simple ; s’ils prêtent une ame aux hommes, c’est par l’intérêt qu’ils ont à en faire ce qu’ils veulent, au moyen de l’empire qu’ils s’arrogent sur ces ames, au lieu qu’ils n’ont pas le même intérêt avec celles des bêtes, et qu’un docteur en théologie serait trop humilié de la nécessité ou l’on serait alors d’assimiler son ame à celle d’un cochon. Voilà pourtant les solutions puériles que l’on est obligé d’enfanter pour expliquer les problèmes du monde physique et moral. Mais, si tous les hommes étaient philosophes, dit Severino, nous n’aurions pas le plaisir de l’être seuls ; et c’est un grand plaisir que de faire schisme, une grande volupté que de ne pas penser comme tout le monde. Aussi mon opinion est-elle bien, dit Ambroise, qu’il ne faut jamais arracher le bandeau des yeux du peuple ; il faut qu’il croupisse dans ses préjugés, cela est essentiel. Où seraient les victimes de notre scélératesse, si tous les hommes étaient criminels ; ne cessons jamais de tenir le peuple sous le joug de l’erreur et du mensonge ; étayons-nous sans cesse du sceptre des tyrans ; protégeons les trônes, ils protégeront