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sermoner, ni les punir, mais il faut leur être utile, il faut les contenter, anéantir tous les freins qui les gênent, et leur donner, si vous voulez être juste, tous les moyens de se satisfaire sans risque, parce qu’il n’a pas plus dépendu d’eux d’avoir ce goût bizarre qu’il n’a dépendu de vous d’être spirituel ou bête, d’être bien fait ou d’être bossu. C’est dans le sein de la mère que se fabriquent les organes qui doivent nous rendre susceptibles de telle ou telle fantaisie ; les premiers objets présentés, les premiers discours entendus, achèvent de déterminer le ressort ; les goûts se forment, les habitudes se prennent, et rien au monde ne peut plus les détruire ; l’éducation a beau faire, elle ne change plus rien, et celui qui doit être un scélérat le devient tout aussi sûrement, quelque bonne que soit l’éducation qui lui a été donnée, que vole infailliblement à la vertu celui dont les organes se trouvent disposés au bien, quoique l’instituteur l’ait manqué : tous deux ont agi d’après leur organisation, d’après les impressions qu’ils avaient reçues de la nature, et l’un n’est pas plus digne de punition, que l’autre ne l’est de récompense.

Ce qu’il y a de bien singulier, c’est que au-