Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/24

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motifs de plus d’honorer la vertu et de soulager l’infortune ; vous en êtes indigne, dès que vous ne les employez pas à cet usage. — À mon tour, je dirai, chère fille, que cette manière de raisonner est loin de mon cœur. Pour que je pusse faire de ton existence le même cas que je fais de la mienne, il faudrait que je trouvasse, dans cette existence étrangère, des relations qui s’enchaînassent à moi aussi intimement que mes goûts ou que mes passions… Cela est-il ? Je dis plus, cela peut-il être ? Ne pouvant donc envisager ton existence que comme absolument étrangère, ou, si tu l’aimes mieux, comme passive, l’estime que j’aurai pour toi ne pourra jamais être que relative, ou, pour m’expliquer plus clairement, qu’une estime proportionnée au degré d’utilité que je recevrai de toi ; or, cette utilité, du moment que je suis le plus fort, ne peut plus consister que dans les actes d’esclavage les mieux constatés de ta part. Alors seulement nous aurons tous deux parfaitement rempli les rôles pour lesquels nous a crée la nature ; moi, lorsque je t’assouplis à mes passions, de quelque genre ou de quelque nature que ce puisse être ; toi, lorsque tu en subis les effets. Tes définitions de l’hum-