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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/127

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quand nous nous en sommes gorgés ; et la raison de cela est bien simple ; il faut être familiarisé avec lui, pour connaître bien tous ses charmes. Ce ne peut donc être qu’à force de le suivre, qu’on doit finir par l’adorer. Le premier répugne ; c’est l’histoire du défaut d’habitude ; le second divertit ; le troisième enivre ; et si rien, dans cette heureuse carrière, ne s’opposait aux fougueux desirs de l’homme, ce ne serait bientôt plus que par des crimes qu’il marquerait tous les instans de son existence. Douter que la plus grande somme de bonheur possible que doive trouver l’homme sur la terre ne soit irrévocablement dans le crime, certes, c’est douter que l’astre du jour soit le premier mobile de la végétation. Oui, mes amis, ainsi que cet astre sublime est le régénateur de l’univers, de même le crime est le centre de tous les feux moraux qui nous embrâsent : l’astre fait éclore les fruits de la terre ; le crime fait germer toutes les passions dans le cœur de l’homme ; lui seul les enflamme et les vivifie ; lui seul est utile à l’homme. Eh ! qu’importe que le crime outrage le prochain, s’il nous délecte individuellement ? Est-ce pour le prochain que nous existons, ou pour nous ? Une pa-