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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/244

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— J’y supplée en me faisant sodomiser, dit Bressac ; l’effet physique est à-peu-près le même, et la sensation morale infiniment plus délicieuse : je ne dîne jamais que je ne me sois fait foutre une douzaine de fois. — Pour moi, dit Gernande, je fais usage de quelques aromates, parmi lesquelles l’estragon domine ; on m’en compose une boisson tellement apéritive, que je dévore dès que j’en ai bu : puisqu’il est tout simple de s’enflammer aux plaisirs des sens, d’où vient ne le serait-il pas de s’exciter de même à ceux de la gourmandise ? Oh ! je l’avoue, poursuivait cet ogre en se gorgeant des mets les plus délicieux, l’Intempérance est ma divinité ; j’en place l’idole dans mon temple, à côté de celle de Vénus, et ce n’est qu’aux pieds de toutes deux que je puis trouver le bonheur. Ce que j’ai souvent imaginé sur cela va vous paraître bien méchant, dit Dorothée ; mais vous permettez qu’on dise tout. J’avoue qu’en me gonflant ainsi de nourriture, une de mes voluptés la plus sensuelle serait de placer sous mes yeux des infortunés qu’exténuerait la faim. — Je le conçois, dit Bressac ; mais il faudrait que l’homme qui exercerait la passion que vous dites, fut assez puissant, assez élevé, pour que sa gourmandise épuisât tout ce qui