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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 3, 1797.djvu/246

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d’énergie ; le desir qu’on a d’eux devient d’une telle force, qu’il n’est plus possible d’y résister. Succombez-vous ? à peine vous appercevez-vous des pertes ; le magasin acquis est tel, qu’il peut fournir à l’aise à une infinité de courses, que vous n’oseriez parcourir sans cela ; tout s’embellit, tout se décore, l’illusion couvre tout de ses voiles dorées, et vous entreprendriez alors des choses qui vous feraient horreur de sang-froid. O voluptueuse Intempérance ! je te regarde comme la régénératrice des plaisirs ; ce n’est qu’avec toi qu’on les goûte bien ; ce n’est que par toi qu’ils n’ont plus d’épines ; toi seule en applanis la route ; toi seule en écartes l’imbécille Remords ; toi seule sais délicieusement troubler cette Raison, si froide et si monotone, dont toutes nos passions sont empoisonnées sans toi.

Mon neveu, dit Gernande, si tu n’étais pas beaucoup plus riche que moi, je te donnerais deux mille louis pour l’éloge que tu viens de faire d’une des plus chères passions de mon cœur. — Plus riche que vous, mon oncle ? — Oh ! oui ; tu as mieux de douze cent mille livres de rente, et je suis assez gueux pour n’en avoir pas huit cent mille. Je l’avoue… je ne conçois pas comment l’on peut vivre