« Il est : bien étonnant, nous disait-il un jour, que les hommes soient assez fous pour attacher quelque prix à la morale ; j’avoue que je n’ai jamais conçu de quelle nécessité elle pouvait leur être ; la corruption n’est dangereuse que parce qu’elle n’est pas universelle. On n’aime point le voisinage d’un malade qui a la fièvre maligne, parce qu’on redoute la contagion ; mais si l’on en est attaqué soi-même, on ne craint plus rien ; il ne saurait exister aucun inconvénient parmi les membres d’une société totalement vicieuse : que toutes acquièrent le même degré de corruption, et toutes se fréquenteront sans péril. Il n’y aura plus alors que la vertu qui sera dangereuse ; n’étant plus le mode habituel de l’homme, il deviendra nuisible de l’adopter. Le changement seul d’un état à l’autre peut avoir des inconvéniens ; tout le monde se ressemble-t-il ? tous les individus restent-ils à la même place ? Il ne peut plus y avoir de dangers : il est absolument égal d’être bon ou méchant, dès que tout le monde est l’un ou l’autre ; mais si le ton de la société est vertueux, il devient dangereux d’être méchant ; tout comme il le deviendroit d’être bon, si tous les hommes étaient pervertis. Si donc l’état dans lequel