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Je fis garrotter Joséphine, nue, au mât de ce vaisseau ; je le chargeai de poudre, je fis couper les cables qui l’attachaient au mien ; puis, allumant une mèche de communication, seul lien qui restât entre ce navire et nous je le fis éclater dans les airs, et me donnai, tout en foutant mon petit mousse, le délicieux plaisir de voir retomber pour jamais dans les flots les membres déchirés de celle qui m’avait tant aimé jadis, et qui, tout récemment encore, venait de me rendre à-la-fois une fortune et la liberté… Oh ! quelle décharge, mes amis ! je n’en avais jamais fait de meilleure.

Nous arrivâmes enfin à Livourne, où j’eus l’avantage de prendre terre dans le meilleur état du monde. Je congédiai mes gens, je vendis mon vaisseau ; et, réalisant aussi-tôt mes effets en traites sur Marseille, après m’être reposé quelques jours, je gagnai cette ville, par terre, ne voulant plus m’exposer aux dangereux hasards d’un élément dont j’avais aussi bien éprouvé l’inconstance.

Marseille est une ville délicieuse, où l’on trouve à-la-fois tout ce qui peut flatter les passions du libertinage, et dans l’un et dans l’autre genre. Chair excellente, climat divin, abon-