Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 4, 1797.djvu/78

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Cet incroyable goût que j’ai pour l’un et l’autre pucelage d’une petite fille, ne m’a point quitté, Justine, poursuivit Saint-Florent. Il en est de celui-là comme de tous les autres écarts de la luxure ; plus on vieillit, et plus ils prennent de forces. De nouveaux desirs naissent des anciens délits, et de nouveaux crimes sont enfantés par ces desirs. Tout cela ne serait rien, si ce qu’on employe pour réussir n’était pas soi-même très-coupable ; mais comme le besoin du mal est le premier mobile de nos caprices, plus ce qui nous conduit est criminel, et mieux nous sommes irrités. Arrivés là, on ne se plaint plus que de la médiocrité des moyens ; plus leur atrocité s’étend, plus notre volupté devient piquante ; et l’on s’enfonce ainsi dans le bourbier, sans la plus légère envie d’en sortir. C’est mon histoire, Justine ; chaque jour deux jeunes enfans sont nécessaires à mes sacrifices : ai-je joui ? non-seulement je ne revois plus les objets qui viennent de me servir ; mais il devient même essentiel à l’entière satisfaction de mes fantaisies, que ces objets Sortent aussi-tôt de la ville. Je goûterais mal les plaisirs du lendemain, si j’imaginais que les victimes de la veille respirassent encore le même air que