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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/202

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les rois commencent à perdre leur crédit en Europe, c’est que leur humanité les a perdus ! s’ils fussent restés sous le voile comme les souverains d’Asie, leur nom seul ferait encore trembler la terre. On se familiarise avec ce qu’on voit tous les jours ; et Tibère à Caprée dut bien plus effrayer les romains que Titus au milieu de Rome, allant consoler les pauvres. Mais ce despotisme qui vous plaît tant, dis-je à Saint-Fond, parce que vous êtes puissant, croyez-vous donc qu’il plaise au plus faible ?

Il plaît à tout le monde, Juliette, me répondit Saint-Fond ; tous les hommes tendent au despotisme ; c’est le premier desir que nous inspire la nature, bien éloignée de cette loi ridicule qu’on lui prête, dont l’esprit est de ne point faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’il nous fût fait… De peur de représailles, aurait-on dû ajouter ; car il est bien certain que c’est la seule crainte du retour qui a pu faire prêter à la nature un langage aussi éloigné de ses loix. J’affirme donc que le premier et le plus vif penchant de l’homme est incontestablement d’enchaîner ses semblables et de les tyranniser de tout son pouvoir. L’enfant qui