Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/247

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de se créer une conscience analogue à ses opinions, et qu’après ce premier effort, il est permis d’arriver à tout. Oh, mes amis ! n’en doutons pas, celui qui a su éteindre, dans son cœur, toute idée de Dieu et de religion… que son or ou son crédit mettent au-dessus des loix, qui a su racornir sa conscience, la plier à ses opinions, en banir à jamais le remords, celui-là, dis-je, soyez-en bien sûrs, fera toujours tout ce qu’il voudra sans rien craindre.

Le ministre, en s’éveillant, me demanda s’il n’était pas vrai qu’il fût le plus grand scélérat de la terre : connaissant le plaisir que je lui ferais en répondant un oui, que je ne pensais que trop, je me gardai bien de le contredire. Que veux-tu, mon ange, me dit-il, est-ce ma faute si je suis ainsi, et si la nature m’a donné pour le vice le goût le plus irrésistible, et pas un seul penchant pour la vertu ? n’est-il donc pas certain que je la sers aussi bien ainsi, que celui auquel sa main imprimât l’amour des bonnes actions ? ce serai la plus grande de toutes les extravagances, que de résister aux intentions de la nature sur nous ; je suis la plante venimeuse qu’elle fait naître aux pieds du baume ; je ne