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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/306

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dis-je alors, me ressouvenant des principes de philosophie que j’avais reçus dans mon enfance ; cette chimère n’a pour garant que l’imagination des hommes, qui, en la supposant, n’ont fait que réaliser le desir qu’ils ont de se survivre à eux-mêmes, afin de jouir par la suite d’un bonheur plus durable et plus pur que celui qu’ils goûtent à présent. Quelle pitoyable absurdité, d’abord de croire un Dieu, d’imaginer ensuite que ce Dieu réserve des tourmens infinis au plus grand nombre des hommes ? Ainsi, après avoir rendu les mortels très-malheureux en ce monde, la religion leur fait entrevoir, que ce Dieu, bisarre, fruit de leur crédulité ou de leur fourberie, pourra bien, encore les rendre très à plaindre dans une autre vie. Je sais bien qu’on s’en tire, en disant que pour lors, la bonté de ce Dieu fera place à sa justice ; mais une bonté qui fait place à la cruauté la plus terrible, n’est pas une bonté infinie ; d’ailleurs, un Dieu qui, après avoir été infiniment bon, devient infiniment méchant, peut-il être regardé comme un être immuable ? Un Dieu, rempli de fureur, est-il un être dans lequel on puisse retrouver l’ombre de la clémence