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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 6, 1797.djvu/67

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jours que je n’ai un morceau de pain à leur donner ; daignez, vous que l’on dit si riche, me mettre à même de soutenir leur triste vie… Oh, monseigneur ! qui que vous soyez, connaissez-vous monsieur de Saint-Fond ? Oui, répondit le ministre. — Eh bien ! vous voyez son ouvrage : il a fait enfermer mon mari ; il nous a pris le peu de bien dont nous jouissions ; tel est l’état cruel où il nous réduit depuis plus d’un an… Et voilà, mes amis, le grand mérite que j’avais à cette scène ; c’est que tout en était exactement vrai : j’avais découvert ces tristes victimes de l’injustice et de la rapacité de Saint-Fond, et je les lui offrais réellement, pour réveiller sa méchanceté… Ah, gueuse ! s’écria le ministre, en fixant cette femme, oui, oui, je le connais, et tu dois bien me connaître aussi… Oh, Juliette, vous tenez, par cette adroite scène, mon ame dans un état… Eh bien ! qu’avez-vous à me reprocher ? J’ai fait enfermer votre époux innocent, cela est vrai ; j’ai mieux fait encore, car il n’existe plus… Vous m’avez échappé ; je voulais vous traiter de même. — Quel mal avions-nous commis ? — Celui d’avoir un bien, à ma porte, que vous ne vouliez pas me vendre ;