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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/279

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Sans projets, et sans autre dessein que celui de me soustraire promptement à la vengeance de Saint-Fond, je me jetai machinalement dans la première voiture publique ; c’était celle d’Angers ; j’y arrivai bientôt. Étrangère dans cette ville, et n’y connaissant absolument personne, je résolus d’y prendre une maison, et d’y donner à jouer : j’eus bientôt chez moi toute la noblesse du pays… Une infinité d’amans se déclarèrent ; mais l’air de pudeur et de retenue que j’affectai persuada bientôt à mes soupirans que je ne me rendrais qu’à celui qui ferait ma fortune. Un certain comte de Lorsange, le même dont je porte encore aujourd’hui le nom, me parut plus assidu et beaucoup plus riche que les autres : il était âgé de quarante ans…… d’une fort belle figure ; et la manière dont il s’exprimait me convainquit qu’il avait des vues plus relevées et plus légitimes que ses concurrens : je l’écoutai. Le comte ne fut pas long-tems à me déclarer ses desseins : célibataire, jouissant de cinquante mille livres de rentes, n’ayant point de parens, si je me rendais digne de sa main, il aimait mieux, en m’épousant, me laisser sa fortune que de la