Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 8, 1797.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour que j’en prive l’univers. Ce serait jouer ici le rôle des loix, ce serait servir la société, que d’en bannir ce scélérat ; et je n’aime pas assez la vertu pour la servir à ce point-là. Je laisserai vivre cet homme si nécessaire aux crimes, ce ne sera point l’ami du crime qui détruira son sectateur : il faut le voler, cela est essentiel, il a plus d’argent que nous, et l’égalité fut toujours la bâse de nos principes ; il faut fuir ; par jouissance, et peut-être pour le plaisir de nous dépouiller nous-mêmes, il nous tuerait infailliblement. Arrivons donc à nos deux buts, mais en le laissant subsister ; j’ai du stramonium dans ma poche, endormons-le, volons-le, enlevons ses deux plus belles filles, et fuyons. Sbrigani combattit quelque tems mon projet ; le stramonium, sur un aussi gros corps, pourrait ne pas réussir, une dose de poison bien violent, lui paraissait plus sûre. Telles spécieuses que fussent mes considérations, elles s’évanouissaient devant notre sûreté, et selon Sbrigani, tant que l’ogre vivait elle n’était pas entière ; mais ferme dans ma résolution, de ne jamais, autant que je le pourrais, faire tomber sous mes coups ceux qui