Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 8, 1797.djvu/214

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connaître à fond, avoue-moi tout sans aucune crainte… Eh bien ! me dit Borghèse, je suis coupable d’un infanticide affreux ; il faut que je te le raconte.

J’accouchai, à douze ans, d’une fille, plus belle que tout ce qu’il est possible d’imaginer ; à peine eut-elle atteint sa dixième année, que j’en devins folle ; mon autorité sur elle, sa candeur, son innocence, tout me fournit bientôt les moyens de me satisfaire ; nous nous branlâmes ; deux ans suffirent pour m’en dégoûter ; mes penchans et la satiété dictèrent bientôt son arrêt ; je ne bandai plus qu’au charme de l’immoler bientôt ; mon mari venait d’être ma victime ; plus de parens, personne au monde qui pût me demander compte de ma fille. Je fais courir, dans Rome, le bruit de sa mort, et l’enferme avec soin dans la tour d’un château que je possède sur les bords de la mer, et qui ressemble plutôt à une forteresse qu’à l’habitation de gens honnêtes ; je l’abandonnai six mois dans cette réclusion, sans la voir : le rapt de la liberté m’amuse, j’aime à tenir dans la captivité ; je sais qu’alors mes victimes souffrent, cette perfide idée m’enflâme, je serais très-heureuse de pouvoir