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Tout dépend de l’anéantissement total de cette absurde fraternité dont l’on nous inculque l’existence avec l’éducation. Brisez totalement ce lien chimérique ; ne lui laissez plus nul empire ; convainquez-vous qu’il n’existe absolument rien entre un autre homme et votre individu, et vous verrez que vos plaisirs s’étendront d’un côté, pendant que vos remords s’éteindront de l’autre. Il n’importe nullement que le prochain éprouve une sensation douloureuse, s’il n’en résulte rien pour vous. Ainsi voilà un cas où la perte des trois millions de victimes doit vous être indifférente ; vous ne devez donc pas vous, opposer à cette perte quand même vous le pourriez, puisqu’elle est utile aux lois de la nature ; mais il importe extrêmement que cette perte ait lieu si elle vous délecte, parce qu’entre elle et votre plaisir il n’y a aucune proportion : tout doit être à l’avantage de la sensation que vous goûtez ; vous devez donc travailler à cette perte sans remord, si vous le pouvez taire avec prudence ; non que la prudence soit une vertu par elle-même, mais elle est bonne par les avantages que l’on en retire ; ce n’est pas non plus qu’elle soit toujours nécessaire ;