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bonne heure, le jour où tout devait éclater, contint le peuple, s’assura des conjurés, gagna le militaire, s’empara de l’arsenal, sans répandre une seule goutte de sang. Ce n’était point du tout sur cela que j’avais compté ; réjoui d’avance des suites sanglantes que je supposais à ma trahison, je courus moi-même les rues, dès le matin, pour voir tomber toutes les têtes que j’avais dévouées : l’imbécille Gustave les conserva toutes. Que de regrets j’éprouvais pour lors, de n’être pas resté fidelle à ceux qui eussent inondé de sang les quatre coins du royaume. Je me suis trompé, dis-je ; on accusait ce prince d’être despote, et le mal-adroit se montre débonnaire, quand je lui offre tous les moyens d’étayer sa tyrannie : Oh ! comme je maudis cet automate ! Souvenez-vous, dis-je à tous ceux qui voulurent m’entendre, que dès que votre prince manque ici l’occasion de fixer, comme il le devrait, son sceptre, sur des monceaux de morts, souvenez-vous qu’il ne régnera pas long-tems, et que sa fin sera malheureuse[1].

  1. C’est celui qu’Ankerstrœum tua en 1789.