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Notre excellent repas fait, nous couchâmes tous les trois chez le Polonais, et dès la pointe du jour, armés jusqu’aux dents, tous les trois, nous partîmes avec la ferme résolution de n’exercer aucun autre genre de vie, que celui de brigands et de meurtriers, de ne sacrifier qu’à l’égoïsme et qu’à nos plus chers intérêts.

Incertains de la route que nous prendrions, notre premier projet fut de gagner les frontières de la Chine, afin d’éviter la Moscovie, et toutes les autres provinces limitrophes de la dépendance de l’impératrice, aux barrières desquelles nous étions presque sûrs d’être arrêtés ; mais effrayés de la longueur de cette route, nous gagnâmes, par les déserts, les bords de la mer Caspienne, et nous nous trouvâmes dans Astracan, au bout de quelques mois, sans que qui que ce fut eût mis le plus léger obstacle à notre évasion.

Nous gagnâmes, de-là, Tifflis, tuant, pillant, foutant, ravageant tout ce qui se trouvait sur notre passage, et n’arrivâmes dans cette ville, que couverts de sang et de rapines. Nous desirions, depuis long-tems néanmoins, quelques lieux policés et tranquilles, ou des desirs moins tumultueux