Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 9, 1797.djvu/192

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Pera. Nous y fûmes avec l’unique projet de ne prendre que quelques jours de repos, à dessein de continuer ensuite un métier qui nous réussissait assez bien, pour nous mettre, Tergowitz et moi, en possession de deux cents mille francs chacun.

Cependant, de concert avec mon camarade, j’écrivis à ma sœur de me faire passer des fonds et des lettres de recommandation pour Constantinople et pour l’Italie, où nous comptions passer en quittant les états du Grand-Seigneur ; et je reçus au bout de deux mois tout ce que je pouvais desirer et sur l’un et sur l’autre objet. M’étant introduit dès-lors chez le banquier où j’étais adressé dans Constantinople, je devins bientôt l’admirateur d’une jeune fille de seize ans, que ce banquier chérissait et élevait comme la sienne, quoiqu’elle ne fut qu’adoptive. Philogone était blonde, l’air de la candeur et de la naïveté, tes plus beaux yeux possibles, et l’ensemble en un mot le plus séduisant et le plus agréable. Mais il arriva ici quelque chose de fort extraordinaire. Par un de ces caprices bizarres, et qui n’est fait pour être connu que des vrais libertins, à quelque point que Philogone fut aimable, quelques sentimens violens