Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 9, 1797.djvu/293

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des procédés égaux ne peuvent établir des suites inégales ; si je fais bien, en allant venger ma nation des injures qu’elle a reçues, serais encore beaucoup mieux de me venger de celles qui me sont adressées : l’état, qui soudoie annuellement quatre ou cinq cents mille assassins pour servir sa cause, ne peut ni naturellement ni légitimement me punir, moi, quand, à son exemple, j’en paye un ou deux pour me venger des insultes infiniment plus réelles que j’ai pu recevoir de mon adversaire ; car enfin les insultes faites à cette nation ne la touchent jamais personnellement, plutôt que celles que j’ai reçues atteignent directement ma personne ; et la différence est très-grande : mais un homme essayera-t-il de dire ces choses-là dans le monde ; on le traitera de lâche, de poltron, et la réputation, qu’il se sera faite toute sa vie, d’esprit ou de sagesse, lui sera tout-à-coup enlevée par quelques méprisables fréluquets aussi plats qu’imbécilles, à trois ou quatre bégueules, qu’il faudrait fesser dans tous les carrefours, auront persuadé qu’il n’y a rien de si beau, que d’aller risquer sa vie quand on est en droit de prendre celle des autres.