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cieuse de se croire les seuls sur la terre. Eh ! que m’importent les malheureux, quand rien ne me manque, dit le prince ; leurs privations aiguillonnent mes jouissances ; je serais moins heureux, si je ne savais pas qu’on souffre à côté-de moi ; et c’est de cette avantageuse comparaison que nait la moitié des plaisirs de la vie. Cette comparaison, dis-je, est bien cruelle. — Elle est dans la nature ; rien n’est cruel comme la nature, et ceux qui suivent ses impressions littéralement, seront toujours des bourreaux ou des scélérats[1]. Mon ami, dit Ferdinand, tous ces systêmes sont bons, mais ils nuisent bien à

  1. Les premiers mouvemens de la nature ne sont jamais que des crimes ; ceux qui nous portent à des vertus ne sont que secondaires et jamais que le fruit de l’éducation, de la faiblesse ou de la crainte. L’individu qui sortirait des mains de la nature, pour être roi ; qui, par conséquent, n’aurait point reçu d’éducation, et deviendrait, par sa nouvelle position, le plus fort des hommes et à l’abri de toute crainte, celui-là, dis-je, se baignerait journellement dans le sang de ses sujets. Ce serait cependant l’homme de la nature.