Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 9, 1797.djvu/369

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la mère, lui fit part des craintes que nous concevions de coucher seules dans des campagnes si prodigieusement isolées. Vos filles, dit la scélérate, seront-elles assez complaisantes pour partager nos lits ? N’en doutez pas, mes belles dames, répondit honnêtement la belle fermière ; mes filles sont trop flattées de l’honneur que vous voulez bien leur faire ; et Clairwil se hâtant de nous rapporter cette agréable réponse, nous choisîmes chacune celle que nous desirions, et nous nous retirâmes. Celle de quinze ans m’était échue ; il était impossible de rien voir de plus frais et de plus joli. À peine fûmes-nous sous le même drap, que je l’accablai de carresses, et la pauvre petite me les rendait avec une candeur… une ingénuité… capables de désarmer toute autre qu’une libertine telle que moi. Je commençai par des questions : hélas ! l’innocente ne les entendait point, la nature même, quoique dans un climat si précoce, ne lui avait encore rien dit, et la simplicité la plus entière dictait seule les réponses ingénues de cet ange. Quand mes doigts impurs effeuillèrent la rose, elle tressaillit ; je la baisai, elle me le rendit, mais avec une simplicité