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long-tems à ce degré de corruption morale où l’on ne rougit plus de rien, je n’ai pas le plus petit scrupule à vous confier les plus petits événemens d’une vie tissue par le crime et par l’exécration. L’aimable femme que vous voyez ici sous le titre de mon épouse, est à-la-fois ma femme et ma sœur. Nous sommes tous deux nés de ce fameux Borchamps, dont les concussions furent aussi célèbres que les richesses et le libertinage. Mon père venait d’atteindre sa quarantième année, quand il épousa ma mère, âgée de vingt ans, et beaucoup plus riche que lui ; je nâquis la première année de son mariage. Ma sœur Gabriel ne vit le jour que six ans après.

Je prenais seize ans, ma sœur dix, lorsque Borchamps parut ne vouloir plus confier le reste de mon éducation qu’à lui seul. Rentrés dans la maison paternelle, nous n’en connûmes plus que les douceurs : de ce moment, le peu qu’on nous avait appris de religion, fut oublié par les soins de mon père, et les talens les plus agréables, remplacèrent les ténébreuses obscurités de la théologie. Nous nous apperçumes bientôt que de tels procédés ne plaisaient nullement à ma mère.